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Impossible d’y échapper en temps de pandémie, la santé, les hôpitaux et les soins prodigués aux personnes malades sont sur toutes les lèvres. Alors qu’une section de l’ancien hôpital Royal Victoria sert notamment de refuge aux populations itinérantes aux prises avec la COVID, l’avenir de cet illustre site se discute.

Vue aérienne du complexe hospitalier Royal Victoria
Vue aérienne du complexe hospitalier Royal Victoria
Photo : Pixup MTL

Aujourd’hui, plusieurs propriétés formant la couronne institutionnelle du mont Royal sont en profonde mutation, et leur avenir est en redéfinition. Tout comme l’hôpital Hôtel-Dieu de Montréal, la maison-mère des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph et l’hôpital Shriners pour enfants, le Royal Victoria n’échappe pas à cette réalité. 

Or, « pour voir le futur, il faut regarder derrière soi », comme nous le rappelle le dicton. Retournons donc dans le passé pour mieux comprendre l’importance historique de cet ensemble d' édifices situés à flanc de montagne au cœur du Site patrimonial du Mont-Royal. Faites votre propre visite en téléchargeant ce parcours pour découvrir le magnifique site du Royal Victoria. 

Le mont Royal au riche passé

Dès les débuts de Montréal au XVIIe siècle, le mont Royal est un lieu de prédilection pour les grands ensembles institutionnels tel le domaine des Messieurs-de-Saint-Sulpice. Des communautés religieuses, des hôpitaux, des grandes écoles et des universités y élisent domicile, occupant un rôle fondamental dans le développement de Montréal. Ces lieux à vocation publique ou communautaire pour la plupart définissent le mont Royal et font partie de l'identité montréalaise. 

Jusqu’au XVIIIe siècle, la montagne est encore très peu développée et occupée principalement par quelques grands propriétaires à des fins d’agriculture, de villégiature et de loisir. Ce n’est qu’au XIXe siècle que son attrait prend de l’ampleur. Le flanc sud accueille alors plusieurs grandes demeures bourgeoises de marchands nantis qui tentent de s’éloigner du fleuve et de la pollution du port de Montréal.

C’est à ce moment que Sir Hugh Allan, homme d'affaires écossais ayant fait sa fortune dans le commerce maritime transatlantique, acquiert le domaine de Simon McTavish situé sur l’avenue des Pins Ouest dans le quartier du Mille carré, un quartier de prestige qui attire les tenants de grandes fortunes. À cette époque, on assiste à la construction de grandes villas pour la plupart des propriétaires d’origine écossaise mettant en valeur des jardins et des aménagements paysagers d’inspiration britannique, toutes plus impressionnantes les unes que les autres.

Hugh Allan y fait construire une somptueuse villa surplombant la ville et lui donne le nom d’un château écossais, le « Ravenscrag » (nid-de-corbeau). Achevée en 1863, elle s’inspire de l’architecture de la Renaissance italienne. Depuis une imposante tour centrale, Allan peut, paraît-il, surveiller l’activité de ses bateaux dans le port.


Ravenscrag
Photo : Cédric Tirilly

La naissance d’un complexe prestigieux

Voisin de la somptueuse demeure Ravenscrag, l’hôpital Royal Victoria est inauguré en 1893 grâce à la contribution de deux hommes d’affaires écossais, Donald A. Smith et George Stephen, qui avaient dirigé le Canadien Pacifique et fait fortune dans les chemins de fer. L'hôpital a pour mission le mieux-être des Montréalais et le choix de son emplacement est né d’une intention thérapeutique permettant aux usagers de profiter pleinement des bienfaits de la montagne. 
 
Ancienne carte poste montrant le Royal Victoria
Ancienne carte postale montrant le Royal Victoria 

À cette époque, la révolution industrielle bat son plein et les habitants de Montréal font face à la pollution, au manque d’hygiène et aux épidémies. Le mouvement hygiéniste préconise un retour à la nature pour contrer l’insalubrité et la propagation de maladies. On souhaite soigner les malades à l’extérieur de la ville, loin du bruit et de la malpropreté, en créant des hôpitaux munis de parcs et de sentiers où l’air frais revigore. Le mont Royal s’offre comme terre de repos et de guérison.

Une architecture digne d’une reine et d’une montagne 

Élément phare du paysage de la montagne, le Royal Victoria se caractérise par sa qualité architecturale et ses jeux de volumes qui mettent en valeur la topographie du mont Royal. Pour réaliser ce projet, l’architecte britannique Henry Saxon Snell préconise le style Scottish Baronial, qui est alors très prisé et souligne l’origine des donateurs. Son architecture de style écossais pittoresque s’inscrit dans la continuité du cadre bâti du quartier Mille carré tant par la qualité de ses bâtiments que par son aménagement.

Le pittoresque complexe de l’hôpital Royal Victoria s’étend sur 14 hectares et abrite 17 pavillons.
Photo : Ville de Montréal, Airlmex
 

Le complexe principal de l’hôpital prend la forme d’un « H » autour d’une cour d'honneur. 
L’architecte Henry Saxon Snell adopte une organisation pavillonnaire qui répond aux enjeux sanitaires d’un hôpital de l’époque.
 

Greffé par la suite sur le site, le pavillon Hersey tourne le dos à l'hôpital et témoigne de sa vocation de résidence par les lucarnes et des références de style aux maisons cossues de l’époque.


S’ajoutent aussi sur le site le pavillon des Femmes (pavillon du haut en V, avec horloge) et le pavillon Ross Memorial (pavillon en U avec grande tour, adjacent aux milieux naturels) avec leur architecture monumentale en relation avec les grands hôtels du Canadian Pacific de la même époque. 
Photo : Ville de Montréal, Airlmex

Vue aérienne de l’Institut Allan Memorial. En 1940, Sir Montagu Allan, fils de Hugh Allan, fait don du Ravenscrag à l’hôpital Royal Victoria qui devient par la suite l’Institut Allan Memorial, un département de psychiatrie de l’hôpital et du centre universitaire de McGill. 
Photo : Ville de Montréal, Airlmex

L’ensemble du Royal Victoria est le témoin majeur de l’architecture victorienne et de son influence sur l’identité de Montréal. Ses agrandissements successifs et son emplacement à flanc de montagne en font un ensemble prestigieux offrant des vues exceptionnelles sur la ville.

Les défis des temps modernes 

Dès 1945, l’hôpital s’adapte aux besoins de ses fonctions hospitalières, et ce, au détriment de ses valeurs architecturales et paysagères. La densification et les besoins en stationnement font disparaître les jardins et espaces paysagers. Aujourd’hui, il ne subsiste que quelques îlots de boisés dans les secteurs escarpés.

Dans le cadre de la centralisation des services médicaux à Montréal visant à créer le centre universitaire de santé de McGill à l’ancienne gare de triage Glen, la grande majorité des services hospitaliers sont réinstallés dans de nouveaux locaux, laissant le Royal Victoria largement à l’abandon depuis 2015. L’Université McGill étudie alors les modalités d’une intégration du site à son campus. Une question se pose alors : qu’adviendra-t-il de l’ensemble hospitalier du Royal Victoria? 

En 2018, le gouvernement du Québec confie à la Société québécoise des infrastructures (SQI) le mandat de requalifier le territoire. Cette requalification comporte des occasions exceptionnelles d’imaginer et de réaliser des projets intégrant les meilleures pratiques de développement des communautés et des villes, tout en adaptant celles-ci au contexte unique d’un site patrimonial protégé. Le résultat sera soumis à une consultation publique au printemps 2021. 

Les amis de la montagne s’assureront d’être aux premières loges du processus décisionnel!

À lire dans le prochain article : quels sont les liens entre le Royal Victoria et la montagne? 

 
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